Graffiti: ce que disent les murs

Redonner au graffiti ses lettres de noblesses. C’est l’ambition affichée par Docta, président de Doxadem Squad, qui veut faire la part des choses entre vandalisme et un art coloré et respectable dans nos rues.

Dans ce cadre, plusieurs artistes se sont mobilisés pour la deuxième édition du Festival International de Graffiti en Afrique/ Sénégal (Festigraff) dans la semaine du 13 au 25 Avril 2011 à Dakar.
Le thème choisi cette année : « xam xam moy alal», (la plus grande richesse c’est la connaissance).
Allons à la découverte de cette peinture murale qui a elue domicile dans les rues et qui se manifeste aujourd'hui artistiquement comme un phénomene urbain.

Docta est un des pionniers de ce festival, une bataille murale pour s’affirmer. Docta s’affiche pour l’éducation car étant un facteur incontournable du développement. Malheureusement des manquements dans ce secteur graves sont constatés sur l’ensemble du continent. Docta repeint les murs pour dire aux autorités de redonner à l’éducation, la transmission du savoir, toute son importance. Selon lui, il y va du renouveau du continent.

‘’xam xam moy alal ‘’ c’est donner les moyens aux populations de s’assumer d’avantage. Selon Docta, la société fonctionne comme un organe humain avec une tache spécifique à chaque individu. Mandela, Ghandi, Cheikh Anta Diop et bien d’autres se sont sacrifiés non pas pour devenir célèbre mais parce qu’ils avaient une mission au service de l’humanité.

La Mission du graffeur

Notre société souffre de plusieurs tares et fléaux que le graffeur, calligraphe à la bombe s’emploie à dénoncer ouvertement sur les murs. C’est donc un art militant et bénévole pour reprendre contrôle des murs jusque-là envahis par les politiciens et hommes d’affaires qui occupent l’espace public à leur propre profit et non pas celui des citoyens. Le combat du graffeur est pour reconquérir les murs de Dakar et d’ailleurs qui sont tagués de manière anarchique par les profiteurs. Selon Docta « en tant que défenseurs légitimes des murs sa mission est de protéger cet espace et l’utiliser pour conscientiser les populations, les amener à respecter leur environnement, les amener à adopter un nouveau comportement, pour embellir leur cadre de vie, rendre propre leur espace vital ». C’est là, la vocation du graffiti c'est-à-dire graver, griffonner, dessiner mais inscrire un avis coloré sur un mur.

Le message passe

Visiblement le message est bien reçu par les populations car les graffeurs sont de plus en plus nombreux. Ces dernières années il y a l’apparition de nouvelles signatures, de nouveaux groupes ou de nouveaux graffiti-artistes comme « 2mgrafff », « mizérables » Almuktar Grafixx, Mow 504, Mad Zoo s’affichent sur nos murs et là où il y’a des graffitis les gens n’urinent plus. Au contraire ils admirent les tags et vont se déplacer à des mètres pour faire leur besoin. « Nos images parlent aux populations» selon Docta qui raconte l’anecdote de ce conducteur qui s’est garé puis, est sorti de sa voiture pour uriner. Scène désolante pour Docta. Le lendemain il s’est rendu sur les lieux, a peint tout le mur et a taggué le message « daw ndank saww ndankk » (rouler doucement uriner doucement). Le message a porté puisque quelques mois il n’y avait plus de mauvaise odeur et les populations y ont élevé des gargotes. Ce fond de graffiti a permis à la vie de reprendre ses droits.

Un art nouveau s’affirme.

Le graffiti est un art contemporain, un art de la rue très lié à la culture Hip Hop où les lettres sont transformées en caractères artistiques. Un graff, par définition, est un dessin, une inscription peinte, tracée, bombée ou gravée sur des biens publics ou privés, des monuments, des murs ou sur tout autre support qui à l’origine n’était pas fait pour l’accueillir. Inscrire un graff c’est déjà remettre en question ce qui est public ou privé. C’est un acte de révolte que d’autres assimilent à du vandalisme alors que peindre sur un mur n’a jamais fait de mal à personne. Souvent c’est le point de vue véhiculé par le Graff qui dérange parfois. La technique élaborée, nécessite adresse, créativité et souci du détail. Il implique le contrôle d’une multitude de méthodes artistiques, de la juxtaposition d’éléments en passant par le pochoir, la gravure, la peinture à la bombe, le rouleau ou le pinceau en plus de la maîtrise de certains concepts tels que l’équilibre, la géométrie, le style , le graphisme. Le graffiti, dans la culture hip-hop, est très souvent porteur de message et cette culture va avec une nouvelle manière de s’habiller. C’est culture va aussi avec le « slam » (sorte de poésie récitée de façon saccadée), un langage spécifique de la rue (street-langage) qui va avec l’art de la rue « street art ». C’est normal que les gens qui ne sont pas encore habitués éprouvent quelques difficultés à comprendre ces fresques. « Nous en sommes conscients » nous dira Docta et « c’est pourquoi nous prenons la peine d’écrire clairement nos messages dans un style non artistique au bas de nos chefs d’œuvres. »

Communication au tour du graff

« Ce lundi passé nous avons donné des cours de graff à des universitaires » révèle Docta. Le corps professoral s’intéresse au graffiti qui peut façonner l’opinion. Des conférences seront animées par des historiens, sociologues sur le thème le rôle du graffiti dans le développement social. C’est dire que le graffiti a acquis toute sa notoriété donc ses lettres de noblesse et même fait son entrée dans les galeries. Le Graff gagne en crédibilité même s’il s’affiche souvent sous des formes peu conventionnelles la plupart du temps. Durant le festival il y aura exposition d’œuvres à la galerie « Manège ». Des designers, photographes, pochoiristes, peintres, dessinateurs seront là. Malgré la famille très large des graffeurs, ils parlent tous le même langage, partagent le même art et ont le même objectif. Faire un Graffiti…